Malgré les bloqueurs de pub, certaines réclames, de plus en plus nombreuses, arrivent à se glisser sur les écrans de nos bécanes. Des « publicités ciblées », comme on dit. C’est ainsi que l’on me fait savoir que les grandes surfaces d’Ajaccio attendent ma visite pour me proposer leurs marchandises. Car, citoyen de la Start-up nation, je suis « géo-localisé ». Si l’on disposait d’une carte assez précise, on pourrait y inscrire une croix pour repérer l’endroit où j’ai mon domicile. Pour le moment, ce n’est pas encore très au point: il me faudrait trois heures de route pour aller faire mes courses. J’échappe encore à la sollicitude commerciale de Big Brother.
Mais il ne désarme pas, ce saligaud. Combien de sites et même de blogs ne peuvent être visités que si on se connecte afin de rentrer dans un de ces fichiers qui s’échangent, se vendent ou se volent comme on l’a vu récemment?
Il m’arrive de visiter le site de France-télévision pour y regarder des émissions que j’ai manquées. Jusqu’à récemment, pas de problème sinon que de devais me farcir plusieurs spots de trente et quelques secondes avant de voir le début. Maintenant, même ça, c’est fini. Big Brother exige de moi que je me connecte avant d’accéder à son site. Sans doute pour protéger ma vie privée qui est, selon la formule consacrée, sa priorité. Rien de nouveau: au début des années 70, un certain Marcillac, directeur du service des sports à la télé, avait vendu le fichier de l’ORTF à des entreprises de vente par correspondance. Ça s’est terminé en correctionnelle parce que, en ce temps-là, c’était un délit. Aujourd’hui, c’est légal et même France-Télévision s’est lancée dans ce bizness.
Mais il y a pire. Allant aujourd’hui à la Poste retirer trois sous du compte sur lequel est versée ma petite retraite, je me suis entendu dire que mon dossier n’était pas complet et que, si je voulais retire une somme plus conséquente (mille cinq cents euros, par exemple), cela me serait interdit.
« Et en quoi mon dossier ne serait-il pas complet? », ai-je demandé.
– Il manque une attestation de domicile, m’a-t-on répondu.
– Une attestation de domicile? Vous avez mon adresse sur les chèques, je vous présente ma carte d’identité, toutes pièces que je n’ai pu obtenir qu’en fournissant cette attestation, une facture EDF en l’occurrence. Que voulez-vous de plus?
– Votre feuille d’imposition.
– La taxe foncière et la taxe d’habitation?
– Non! Celle de votre impôt sur le revenu parce que nous avons besoin de connaître vos revenus.
Inutile d’être grand clerc pour deviner quel usage sera fait de ces informations sur mes revenus. Correction: « serait fait » car j’ai refusé de « compléter mon dossier » au motif qu’ils ne sont pas tous avouables. J’ai précisé, à haute et intelligible voix, qu’une partie de ces revenus que la Poste tient à connaître étaient gagnés la nuit sur le port de Bastia où, vêtu d’une mini-jupe en cuir et de porte-jarretelles, j’attendais les noctambules en mal d’affection.
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